Au fil de la forlane

Numéro 1, novembre 2023 

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Bonjour à toutes et à tous
 

Chaque année, le conseil d’administration cherche à s’améliorer et à renouveler ses actions.

J’ai entendu que Grieg vous était par trop étranger mais, lors du concert, l’opéra a beaucoup plu. Ce fut un succès, au grand étonnement de la plupart d’entre nous, et notre direction musicale avait fait un bon choix.

Gabriel Fauré qu’elle a retenu cette année, en raison de la commémoration du centième anniversaire de sa mort, fait unanimité et nous nous en réjouissons.

La chorale a retrouvé son rythme, elle est allante, pour le grand plaisir de notre chef de chœur qui nous fait découvrir des compositeurs du XIXe siècle, dont Mel Bonis au destin étonnant.

Au fil de la forlane vous communiquera des informations musicales sur les compositeurs et leur environnement retenus au programme, des regards croisés sur les compositeurs, des portraits de l'équipe musicale. Il paraîtra de façon trimestrielle. 


                                                                                      Michel 

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Le saviez-vous ?

La Forlane est une ancienne danse populaire, vive et animée, originaire du Frioul. Elle fut en vogue à Venise au XVIIe siècle. Elle arrive en France dans le Recueil de contredanses de Louis Pécour, en 1700, et dans la Méthode d'écrire les danses de Pierre Rameau vingt-cinq ans plus tard. André Campra l’introduit dans Le carnaval de Venise à l'extrême fin du XVIIe siècle.
Lors de son séjour à Paris, Casanova critiquera son opéra-ballet « Les Fêtes vénitiennes. Cette danse, jugée licencieuse et endiablée, se répandra au XVIIIe siècle dans toutes les cours d’Europe et influencera nombre de compositions. Couperin, Mondonville ont composé une musique à deux temps vive et enlevée portant son nom. Maurice Ravel lui rendra aussi hommage avec son œuvre Le Tombeau de Couperin composé entre 1914 et 1917.

 Sources : Autres Temps – Autres DansesBNFHistoire pour tous : de France et du monde, Wikipedia

Portrait 
notre cheffe de choeur

Natalia Rayhker est cheffe de chœur confirmée. Entrée à la Forlane depuis plus de 12 ans, elle porte sa chorale avec dynamisme, sans jamais se départir de son humour.

Pour les nouveaux venus, Natalia sort du prestigieux Conservatoire Tchaïkovski de Moscou et attire vers elle des artistes de qualité dont elle fait bénéficier la Forlane
.
En France depuis 2003, elle poursuit sa carrière de cheffe de chœur et a fait reconnaître son master par le Centre International d'Études Pédagogiques, devenu France Éducation international.

Elle dirige aussi la chorale "La Croche Chœur" de Franconville, le chœur du Conservatoire d'Asnières-sur-Seine et le chœur de "La Forge" de Saint-Leu-la-Forêt. Elle produit des concerts inter-chorales, tant en France qu’en Europe.  Pour en savoir plus

Mel Bonis,
un destin étonnant

Christine Géliot nous présente son arrière-grand-mère, Mélanie Bonis connue sous le nom de Mel Bonis, « … issue d'une famille modeste de la petite bourgeoisie parisienne, elle reçoit une éducation religieuse très stricte. Rien ne la prédispose à une destinée musicale. Elle s'initie au piano de manière autodidacte jusqu'à l'âge de 12 ans dans un contexte familial plutôt hostile, jusqu'au jour où ses parents, sous l'influence d'un de leurs proches, se résignent à lui offrir un enseignement musical. Élève exceptionnelle, elle sera présentée à César Franck qui ouvrira pour elle les portes du Conservatoire en décembre 1876. Elle partage les mêmes bancs que Debussy et Pierné. Très aimée de ses professeurs, Messieurs Guiraud et Bazille, qui ne sont qu'éloges à son égard, elle suivra les classes d'harmonie, accompagnement au piano et composition jusqu'à la fin 1881. Elle participe en auditeur à la classe de César Franck. À la classe de chant, elle fait la rencontre d’Amédée Landely Hettich, un jeune homme doué d'une forte personnalité, élève chanteur de Victor Masset et, en même temps, journaliste et critique musical au journal L’Art Musical. Mais les parents de Mélanie s'opposent au mariage et obligent la jeune fille à quitter le Conservatoire pour la séparer de lui. Premier accessit d'accompagnement au piano, premier prix d'harmonie, élève prometteuse en classe de composition, en pleine trajectoire ascendante, Mel Bonis est contrainte de démissionner. »

Ernest Guiraud lui écrit à l’automne 1881 « J’espère toutefois que ce contretemps ne vous aura pas fait renoncer à vos projets de travail… Je suis tout à votre disposition, et avec grand plaisir je vous assure. Vous n’êtes pas des élèves qu’on abandonne, mais bien de celles qu’on continue à suivre avec intérêt ».

 Après s’être consacrée à sa famille, elle se rapproche du milieu musical, encouragée par Hettich qu’elle revoit dans les années 1890. Elle compose avec facilité pour des instruments différents. Son exigence et son perfectionnisme l’amènent à corriger des morceaux déjà imprimés. Elle aborde tous les genres musicaux (vocale, chambre, orchestrale, sacrée, chorale) adaptés surtout au piano, et à l’orgue. Ces pièces sont légères ou mystiques et réalisées aussi pour ses petits-enfants. Elle leur dédicace notamment « Les Dix-sept pièces enfantines pour piano», 
« Miocheries », 14 pièces enfantines.

La chronologie de son œuvre montre qu’elle menait de front des compositions importantes et des compositions courtes. Elle devient membre du comité de direction de la Société des compositeurs de musique en 1907 et sera la première femme à occuper le poste de secrétaire de 1910 à 1914.

Mel Bonis fera sa propre promotion. Elle est jouée dans quelques grandes salles : Erard, Gaveau, Pleyel et à Berlioz pour une audition conjointe de ses œuvres et de celles de Maurice Ravel. Des concerts de son œuvre furent donnés aussi au Conservatoire, au Théâtre du Châtelet avec la « Fantaisie ».

Cependant, après la Grande Guerre « les mœurs changent et les arts quittent les voies académiques ». Le post-romantisme décline ; des compositeurs veulent transgresser les règles et s’ouvrir au monde et aux folklores. Mel Bonis, étrangère à ce courant, s’en moque, compose moins et se réfugie dans la religion et l’écriture.

En 1923, affaiblie, elle renouera avec l’écriture musicale et nous dit Christine Géliot « La mort de son plus jeune fils en 1932 laissera Mel Bonis plus inspirée et plus faible encore. Jamais éditées, jamais entendues, nous venons de découvrir ses dernières œuvres et notamment sa messe. Elles forcent notre respect et notre dévouement. Elles sont toutes imprégnées du désir mystique de se fondre à l'infinie douceur de Dieu et à son “pur amour”. » 

 

Sources : 

Biographie de Mel Bonis, Christine Géliot
Anne-Marie Polomé "Portrait de compositrice : Mélanie-Hélène Bonis dite Mel Bonis I, II et III"
Crescendo Magazine, 2021,
Souvenirs et RéflexionsMel Bonis

Mel Bonis
(21 janvier 1858-18 mars 1937)

 Ses dates clés à partir          
  de son admission au                Regards croisés   Conservatoire en 1876            sur la compositrice

« Madame Mel-Bonis n’est point une professionnelle de la composition dans le sens exact du mot ; mûrie par une étude réfléchie des classiques, ayant reçu les leçons et les conseils de maîtres tels que Franck et Guiraud, douée d’une intelligence personnelle, la musique est pour elle l’idéale ressource de l’expression sentimentale et d’une foi ardente. Les moyens, rigoureux en la forme, ne sacrifient ni à l’afféterie, au mauvais goût du monde auquel elle appartient, ni au désir outrecuidant d’étaler aux oreilles stupéfaites des bizarreries déconcertantes ou des trouvailles périlleuses ».

Le Guide musical de Bruxelles 
Charles Cornet, 10 juin 1906

« Nous devons une pensée pieuse à la mémoire de Mme Mel Bonis, qui fut, aux côtés de Debussy, une des élèves les plus distinguées de Guiraud, une bienfaitrice de la musique, trop oublieuse de soi pour autrui. Ses compositions portent la marque de la plus fine sensibilité et d’une inspiration profondément et intimement musicale… »


Paul Dambly critique musical, 1937
Le Petit Journal 

 « Je ne croyais pas qu’une femme puisse écrire cela : elle connaît toutes les ficelles du métier ! » 

Réflexion prêtée à
Camille Saint-Saëns
 1905 

« Une jolie femme n’a pas besoin d’être intelligente, disent ces messieurs. En effet, pour ce que vous en faites, il suffit d’être pourvue de grâce… et de passivité. Seulement, pauvres créatures, passé 30 ans vous serez mise au rebut. Conclusion : tâchons Mesdames, de ne pas être trop bêtes quand nous ne sommes plus belles, mais seulement à partir de ce moment-là. »

Réflexion de Mel Bonis, vers 1905

 

Mel Bonis compose Adoro te en 1933, l’année suivant le décès de son fils. Elle est dévastée et se réfugie dans la religion. Son recueil "Souvenirs et Réflexions" qui est consultable in extenso sur Wikisource fait la part au
« souvenir de l’enfant chéri qui n’est plus ».

Dans le chapitre « Méditation et oraisons » Mel Bonis livre sa foi avec abandon
« Qu’il se fasse en moi un grand silence ! Un silence qu’aucune voix de la terre ne puisse troubler, afin que rien que de Divin ne se fasse entendre ! Ce silence, c’est au centre de l’âme qu’il peut s’établir, dans le refuge impénétrable où l’on se trouve “ seul à Seul ” ».

Sa mystique se retrouve dans son Adoro te, morceau pour chœur mixte a cappella, qui ne sera édité chez Armiane qu’en 1998. Elle ne retient dans la transcription de l' Adoro te devote que trois strophes sur huit. Cette poésie chrétienne, considérée comme un chef-d'œuvre du Moyen Âge, exprime le mystère de l'union avec Dieu dans l'Eucharistie. Les vers latins ont une traduction littérale – ci-dessous – et une traduction chantée, plus poétique.

En « fouillant », la Toile on peut lire que la composition de Mel Bonis devait faire partie d’un projet de Dix pièces pour orgue. La musique vocale religieuse l’a occupée, tout au long de sa vie. Toutefois, cette part de musique sacrée représente seulement dix pour cent de sa production musicale, apprend-on par Guillaume l’Avocat, docteur en musicologie. Si la moitié de ses pièces religieuses ont été éditées, il n’y a pas de trace, de son vivant, de leur interprétation en public.

Vu pour vous 

Hommage en six concerts
Fauré intime 25-28 Janvier
Philarmonie de Paris
221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris
Station Porte de Pantin
  Billetterie : 01 44 84 44 84

  https://billetterie.philharmoniedeparis.fr/

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Au fil de la Forlane

Direction  Michel Bartenieff
Conception et rédaction Elisabeth Boucher

Prochain numéro février 2024
Sommaire
Le saviez-vous ? Portrait de Macha Kondrashkova, Gabriel Fauré : maître de la mélodie française, À propos, Rappel, À Signaler